Violence et Islam – Entretiens avec Houari Abdelouahed

« J’ai découvert que toute notre histoire était falsifiée, fabriquée de toutes pièces et que ceux qui avaient créé la civilisation arabe et sa grandeur furent bannis, condamnés, rejetés, emprisonnés, voire crucifiés. Il faut relire cette civilisation et la revoir autrement : avec un nouveau regard et avec une nouvelle humanité. » Adonis

ADONIS (Ali Ahmed Saïd Esber)
Violence et Islam – Entretiens avec Houari Abdelouahed
Seuil – 2015 – 190 pages
Adonis nous invite à une complète « relecture » de l’Islam et du Coran, bien loin des
naïvetés diffusées par des médias incultes.
Il part des constats opérés durant les « printemps arabes » de 2011. Pour lui, on ne
peut pas, au sein d’une société comme la société arabe, faire une révolution si celle-ci n’est pas fondée sur la laïcité. Peut-on parler d’une « révolution arabe » si la femme est toujours prisonnière de la charia ? Le recours à la religion a transformé le printemps en enfer ; de plus, la charia a été utilisée à des fins idéologiques.
Pour l’auteur, la pensée arabe, même celle qui est dite moderne, demeure dogmatique et prisonnière de l’esprit de tribu. Il ne faut rien changer, rien ébranler ; tout doit rester comme avant, fixe, immuable. On ne peut pas relire l’Histoire ni avancer si l’on ne parvient pas à rompre avec l’esprit religieux et la mentalité tribale.
Historiquement, puisant dans cette force qu’est l’esprit de tribu, l’Islam est devenu très vite un moyen de coercition pour le pouvoir et la conquête. De plus, les rivalités
internes ont engendré aussi violence sur violence : depuis quinze siècles, la guerre arabo-arabe n’a pas cessé. Pour Adonis « Le drame demeure actuel ; nous ne sommes pas sortis du Moyen Âge.»
L’auteur, poète syrien reconnu mondialement, est pessimiste. Pour lui, il n’y a pas de
culture arabe créatrice qui participe au changement du Monde ; il n’existe pas de problématiques arabes parce que l’Islam a dominé la vision du monde arabe. Le musulman voit le Monde à travers la vision islamique ancienne et close. L’Islam n’a besoin ni du Monde, ni de l’autre, ni de la culture puisqu’il est La Culture absolue. Il reste inchangé, et ce, jusqu’à la fin des temps. « Quelle nouveauté a-t-il apportée par rapport aux anciennes civilisations ? »
Sur la violence intrinsèque à la religion musulmane, Adonis est formel – en références très précises aux textes coraniques qu’il cite – : L’Islam s’est imposé par la force ; il est devenu un instrument de conquêtes ; les gens devaient soit se convertir, soit payer un tribut. La violence en Islam va de pair avec sa fondation. « Le Coran est un texte extrêmement violent. Si 66 versets évoquent le paradis et 72 parlent des paradis comme lieux de jouissance, la mécréance figure dans 518 versets ; le supplice et ses dérivés font l’objet de 370 versets. Sur 3000 versets, 518 portent sur le châtiment ; l’enfer est mentionné 80 fois…etc… »

Sur la violence contre l’individu, l’auteur explique que le Texte contient une violence
théorique et une violence pratique. L’individu ne peut nullement se défaire de la croyance de ses parents ou de sa communauté au profit d’une autre. La religion musulmane refuse ce choix.
Ici-bas, l’individu risque la décapitation, et dans l’autre monde, Dieu lui réserve un châtiment exemplaire. Ceux qui osent désobéir « seront traînés avec des chaînes dans de l’eau bouillante et précipités ensuite dans le feu. » [Coran 40 :70-72].
Etc…
La religion musulmane se révèle encore plus catastrophique que ce qu’enseignait Karl Marx disant « La religion est l’opium du peuple ». Au lieu de libérer l’homme, la religion renforce le sentiment de servitude ; elle est synonyme d’enfermement, d’emprisonnement. Lorsque le Texte parle de la tolérance, lorsqu’il évoque la miséricorde, il ajoute toujours une condition : la soumission absolue à l’Islam et à ses préceptes.
« La femme est la grande perdante des printemps arabes ».
Le problème découle du Texte fondateur qui régit la vie socio-économique dans le
monde arabe. On s’attendait à voir la situation de la femme s’améliorer, ne serait-ce que parce qu’elle travaille et participe amplement à la vie sociale et économique de son Pays. Le constat montre que la situation a empiré. Aujourd’hui, Daech, en Irak et en Syrie, organise des concours pour choisir le meilleur lecteur du Coran et donner au gagnant une femme captive. C’est une humiliation pour la femme et le Livre sacré, mais en conformité avec le Texte « Les hommes ont autorité sur le femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles… ». [Coran 4
:34.]. Il n’existe pas aujourd’hui dans la langue arabe de termes pour dire : sexisme, machisme, misogynie. La femme est vue comme passive dans la vie comme dans la sexualité. La volupté est du côté de l’homme ; la femme doit se contenter d’être pour lui le lieu de sa jouissance.

Le Texte a inséré dans l’esprit de l’homme musulman qu’il est plus fort que la mort car il séjournera paisiblement au paradis, et qu’il peut impunément pratiquer la barbarie sans peur ni culpabilité envers les mécréants. « Je vois en Daech la fin de l’Islam. C’est un prolongement, certes, mais c’est également la fin. Actuellement sur le plan intellectuel, l’Islam n’a rien à dire ; ni élan, ni vision pour changer le Monde, ni pensée, ni art, ni science. Cette répétition est le signe même de sa fin. Et supposons que Daech remporte une victoire sur la plan politique ou stratégique, que pourrait-il donner sur un plan intellectuel et scientifique ?
Quand on voit l’Islam dans le Monde actuel, on est gagné par l’amertume ou
saisi par la colère. Ignorance, cruauté, obscurantisme… Égorger, éventrer des femmes, violer, piller… Ces faits signent la mort de l’humain. Les musulmans ne disent rien sur cette réalité. De temps à autre s’élève une voix par-ci par-là, mais il n’existe pas de vraie révolte. »
Terrible réquisitoire ! On est bien loin des naïvetés simplistes lues dans « Le
Coran expliqué aux jeunes » de Rachid Benzine [Seuil 2013] qui ignore totalement les textes cités précisément par Adonis pour ses analyses factuelles.

Renvois :
• Hamit BOZARSLAN, Sociologie politique du Moyen-Orient – FW N°41.
• Julien MAUCADE, L’Islam : une victoire inéluctable – FW N°46.
• Faouzia Farida CHARFI, La science voilée (Science et Islam) – FW N°49.
• Jean-Claude CARRIÈRE, Croyance – FW N°57.
• Boualem SANSAL, 2084 / La fin du Monde – FW N°57
LF