En une trentaine d’années, les dirigeants chinois ont sorti plus de 500 millions de personnes de la pauvreté, cas unique dans l’Histoire. On peut gloser sur les inégalités géographiques et de revenus que ce stato-capitalisme a engendré, mais l’essentiel est acquis et les dirigeants savent pertinemment que des inflexions doivent être apportées à la trajectoire socioéconomique suivie : effort environnemental, juste ventilation des richesses, recours accentué à la consommation interne.
Pour ce dernier point, associé à une croissance soutenue, la Chine a engagé un vaste programme géoéconomique pour garantir ses approvisionnements futurs en matières premières agricoles, minerais, sources d’énergies, gestion de sa ZEE maritime, etc. Dans le cas de l’énergie, trois grandes entreprises publiques sont à l’oeuvre : CNPC (China National Petroleum Corporation) chargé de l’exploration et de la production de pétrole dans le Nord et l’Ouest du Pays ; SINOPEC qui gère l’essentiel des capacités de raffinage et a en charge les champs pétroliers du Sud ; CNOOC (China National Offshore Oil Corporation) qui a pour mission de conduire toutes les opérations offshore sur les côtes chinoises. Les politiques de prises de participation ou de rachat sont en cours, SINOPEC ayant déjà acheté un opérateur actif au Nigéria, Cameroun et Gabon ; tandis que CNPC a absorbé Singapore Petroleum. Le récent accord gazier entre la Russie et la Chine entre également dans cette recherche de garantie d’approvisionnement à long terme.
En agriculture, la Chine n’est pas un « prédateur » de l’Afrique comme on la présente d’une manière simpliste mais un véritable acteur du développement local. En échange de location de terres inexploitées – selon la FAO le continent africain possède plus de la moitié des terres arables non-exploitées de la Planète – les intervenants chinois fournissent des crédits à bas taux pour des infrastructures, quand ils ne les construisent pas directement eux-mêmes (routes, écoles, dispensaires…) évitant ainsi la corruption endémique des dirigeants de nombre de Pays.
Et l’Europe ? Il est évident que l’UE aurait tout intérêt à considérer les appels de la Chine sans trop barguigner. Depuis 1925, la Chine est partie au Traité du Svalbard (19 Etats signataires). La souveraineté norvégienne reconnue, les signataires ont néanmoins le droit d’y exploiter des ressources naturelles et d’y faire des recherches ; dans ce cadre, la Chine y possède une station de recherche arctique. Au-delà, les relations pourraient se structurer très positivement pour l’UE, la Chine étant dans une position binaire, soit le repli sur elle-même, soit des relations positives avec le plus d’interlocuteurs possibles. Exemple à suivre : la Chine est le seul Etat ou une administration unique gère les compétences relatives à l’eau, les richesses minières, les terres agricoles et l’énergie, ce qui permet une vision globale prospective.
Paul Valéry posait la question « L’Europe deviendra-t-elle ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire un petit cap du continent asiatique ? » A l’UE de répondre… à la bifurcation proposée.
Liam FAUCHARD / FutureScan / Août 2014