Le voyageur hypermoderne

La figure du voyageur moderne a surgi dans l’histoire avec l’apparition d’outils qui lui ont permis d’explorer le monde, d’aller plus loin, de témoigner de son aventure. Or, les technologies de l’information, en s’inscrivant dans la continuité de cette tradition, font entrer le voyageur dans le nouveau contexte d’un monde connecté, transformant à jamais l’essence même de son entreprise, bouleversant pour toujours son expérience de l’ailleurs.

Si ses motivations à partir demeurent identiques à celle de son homologue du siècle passé, le voyageur d’aujourd’hui est plongé dans un « ici et ailleurs à la fois » qui court-circuite l’expérience de l’éloignement et de la séparation, et lui impose des questions  inédites. Doit-il partir avec un téléphone portable ou pas ? Avec qui va-t-il maintenir un lien, à quel rythme et dans quelles situations ? Pourquoi se passer d’un GPS ?

Francis Jaureguiberry & Jocelyn Lachance

Erès – 2016 – 150 pages

Comme le voyageur « moderne » est très difficile à circonscrire, les auteurs naviguent à vue entre des concepts, des inspirations, des témoignages … aussi variés que peuvent l’être les motivations d’une mobilité multiforme.

Une affirmation comme « En quelques  années  seulement, le fait de ne pas répondre immédiatement  à son téléphone portable en est venu à devoir être justifié… » est significative d’auteurs qui vivent dans un microcosme qui n’est pas celui de l’immense majorité des Terriens.

FJ&JL indiquent que du voyageur moderne au voyageur hypermoderne nous assistons à un basculement  :  plus que jamais, l’individu se  retrouve acteur de la dimension  réflexive du voyage. Il ne subit plus les effets de l’éloignement sans  avoir préalablement  décidé de se déconnecter.  Il eut été plus juste de dire « si les gestionnaires de réseau sont fiables, ce qui est bien rare » [Constats concrets personnels Europe/Amériques].

Le voyageur hypermoderne est censé faire face à une contradiction dans la mesure où la communication  fait fi de la distance  – en théorie, rappelons-le  -, sa  présence  suite à des évènements réels se produisant à son lieu de départ devient impérative (décès, accident, rupture…)… alors que de toute façon il n’y peut strictement rien et que sa réaction pour déterminer un retour urgent ne changera rien au fait réalisé loin de lui. Il y a là un discours pervers de culpabilisation abusive qui entrave la liberté de choix.

Bref, ce livre pose une question qui ne se pose pas pour un être  sensé  : la fragilité des réseaux de communication devrait inspirer humilité et sagesse : soit je pars et il est inutile de chercher à me joindre, soit je reste.

L’ouvrage comprend 55 témoignages de personnes âgées de 19 à 69 ans, de huit Pays différents, dont 29 femmes.

LF