Pas moins de 15 Ministres et Secrétaires d’État se positionnent, dans ce livre, sur cette question essentielle pour l’avenir de notre pays. En 2014, l’Europe est notre nouvelle patrie. Ce témoignage dénonce l’immobilisme d’un système prisonnier du passé, alors même que l’avenir de la France est profondément lié à l’Europe. Notre « école de la République » n’est ni efficace, ni démocratique, ni exemplaire, ni éternelle : la situation actuelle est lourde de menaces pour notre contrat social.
L’auteur a travaillé, en tant que chef d’établissement, dans des milieux sociaux très variés, des pays étrangers, des associations de dimension internationale, ce qui lui permet de faire des comparaisons concrètes sur le terrain, des mérites et des inconvénients. Le récit n’est pas celui d’un spectateur passif, mais celui d’un acteur luttant pour la réforme de ce système, avec un point de vue engagé, qu’elle défend auprès des ministres ou de leurs conseillers, qu’elle a presque tous rencontrés.
Le livre relate les multiples occasions de corrections de cap, qui se sont offertes aux politiques, de François Bayrou, en 1993, à Vincent Peillon, en 2014, en passant par Ségolène Royal, Xavier Darcos, Luc Chatel… et ont été sciemment négligées. Les réformes ont donc été systématiquement amputées, vidées de leur sens, suite à des concessions faites par des Ministres et/ou des Présidents peu courageux. Ce livre montre la sclérose de certains pans entiers du système, notamment le rôle des syndicats et leur pouvoir de blocage de toute réforme, l’enfermement des parents d’élèves dans des stéréotypes, le rôle timoré des médias et leur souci « politique » à courte vue.
Mais ce constat négatif n’a de sens que s’il permet d’ouvrir les esprits, avec enthousiasme et optimisme, vers des réformes positives et réalisables, dès maintenant. Le plan de sauvetage est minutieusement décrit dans le troisième chapitre, le plus important du livre. Il décrit les responsabilités qui incombent à chacun d’entre nous, en se référant aux pratiques en cours dans les autres pays européens. Il fait notamment le lien entre le monde de l’éducation et celui de l’entreprise : implication, leadership, évaluation, culture du résultat, formation continue, innovation portée par les nouvelles technologies. Les deux univers ont beaucoup en commun et doivent se rapprocher.
En 2014, nous n’avons plus le choix. Nous ne pouvons rester prisonniers du « mirage républicain ». En choisissant le « virage européen », les Français assureront l’avenir de leurs enfants et de leur pays.
Nelly GUET
BBook – 2015 – 140 pages
Quel gâchis ou quel sursaut pour notre système éducatif ?
Ecrit en 2014, l’ouvrage établit un rapport consternant sur l’état de notre environnement scolaire, proclame notre intégration (y compris éducative) incontournable dans l’Europe, propose de s’appuyer sur des expériences européennes positives pour améliorer notre système suranné, défaillant et réformer « notre école de la République ».
Fière de ses origines modestes – forgeant une exigence de survie – et bretonnes – gages d’une ténacité et d’une ouverture au monde utiles dans ses combats futurs – l’auteur aura la « chance » dès son adolescence de bénéficier de correspondants et d ‘échanges avec l’étranger, notamment l’Allemagne. Son engagement dans l’enseignement s’appuiera sur les expériences novatrices qu’elle a étudiées notamment en Europe du Nord. Mais ses tentatives d’application de ces méthodes dans notre univers scolaire se heurteront très vite aux rouages institutionnels bloquants et à l’immobilisme congénital de notre système scolaire.
Dans un premier temps, Nelly GUET détaille son expérience estudiantine puis de jeune professeur et chef d’établissement. A chaque étape de son cursus, l’Europe est au cœur de ses préoccupations. Instruite par ses expériences étrangères, elle tente d’appliquer en France ce qui est déjà institué dans les autres pays : organiser l’enseignement en donnant la priorité à l’élève, c’est-à-dire donner la priorité au sujet qui apprend et non à l’objet à étudier. Cette optique remet en cause le système français : un professeur = une classe = une discipline, un système corseté, soutenu par les syndicats. D’où son opposition frontale avec les syndicats opposés à toute évolution.
Engagée durant sa carrière dans de multiples organisations nationales et internationales, inlassable défenseur de méthodes nouvelles qui ont montré leur efficacité dans d’autres pays, l’auteur présentera ses propositions à une quinzaine de ministres successifs, avec parfois une reconnaissance de leur pertinence, mais cet accueil a priori favorable ne sera jamais suivi d’effet quant à leur prise en compte dans les réformes que chacun tenait à engager.
Ces propositions consistaient à prôner :
- l’auto-évaluation des établissements scolaires, avec pour objectif d’améliorer la qualité pour tous les élèves
- l’autonomie des établissements : institution du leadership et la culture du résultat
- la formation et l’évaluation des élèves par compétences, avec un cadre de références, avec pour corollaire une formation des maîtres qui seront aussi évalués
- la modification du statut des enseignants et la redéfinition de leur mission, ainsi que l’implication des parents
- la responsabilité sociale des entreprises, l’ouverture de l’école aux entreprises (et réciproquement) impliquant l’introduction de modules de formation à l’éducation financière dès le primaire.
L’Inspection générale et les syndicats (l’un et l’autre directement contraints à évoluer dans ces projets) rejetteront ces propositions, avec la complicité de leurs ministres.
Dans une France où les dirigeants des institutions enseignantes sont convaincus de la supériorité de leur système, il n’est pas étonnant qu’ils soient davantage préoccupés par sa diffusion dans les pays francophones que de s’inspirer des expériences étrangères, en voulant à tout prix sauver le « mirage républicain ».
Comment remédier aux bilans catastrophiques des résultats scolaires et des réformes ratées ?
L’auteur, malgré les déceptions, participe à de nombreux colloques, conférences et projets européens qui l’amènent à proposer un plan de sauvetage : prendre un « virage européen ». Qui se décline en :
- Implication dans l’auto-évaluation. Ce principe énonce que tous les partenaires soient impliqués : parents, élèves, personnels de direction, syndicats. Cette démarche a fait des progrès dans dix pays voisins. Pas en France.
- Imposition d’un leadership partagé, avec une nouvelle gestion des ressources humaines. La première des ressources humaines d’un établissement, c’est l’élève. L’objectif est la réussite de chaque élève et de chaque enseignant. Il s’agit donc de se demander comment chaque talent peut être reconnu, développé, mis en valeur.
- Suppression de la dichotomie enseignement/vie scolaire. Les enseignants ont une mission d’éducation et non uniquement d’enseignement. Les fonctions de transmission du savoir et d’éducation sont séparées en France. Cette dualité est source d’iniquité et d’inégalité. Il est urgent de modifier les modalités de recrutement.
- Réorganisation de la formation initiale et continue des enseignants. Introduire une formation européenne : être capable d’organiser des partenariats avec le monde extérieur, être mobile, se former tout au long de sa vie, maîtriser les techniques de l’information et de la communication. De nombreux projets européens expérimentent déjà ces propositions.
- Implication des entreprises dans la formation initiale des élèves. Le but étant de vaincre le chômage des jeunes. Il ne s’agit pas seulement d’apprentissage et d’alternance, mais d’une vraie implication de l’entreprise dans le processus scolaire. Instituer une éducation économique et financière.
Dans ce nouveau modèle, les chefs d’établissements mieux formés porteront le leadership, les enseignants choisiront ce métier par passion pour le développement harmonieux des élèves, les syndicats, principal frein à l’évolution dans le système ancien, se professionnaliseront pour être une force de proposition notamment en formation, les parents d’élèves seront profondément intégrés aux processus de décision dans les conseils d’administration, ainsi que les élèves – dans un cadre de coopération européenne.
Enfin les ministres auront pour tâche de fixer le cap et d’accompagner la transformation de l’école française en lien avec les pays voisins.
Cet ouvrage terminé en 2014 ne pouvait prendre en compte les développements récents de la politique française. Il pourra trouver un prolongement avec les nouveaux leaderships. Les contacts de Nelly Guet avec le cabinet du Ministre François Fillon en 2004 avaient fait naître des espoirs. Peut-être pourront-ils plus facilement se concrétiser à l’avenir.
Renvois :
- Christian COGNE, Requiem pour un émeutier (Education) – FW N°37.
- Michel LEROY, Universités : le grand chambardement – FW N°43.
- Gabriel COHN-BENDIT, Une autre école – FW N°50.
- Sophie PEDDER, Le déni français – FW N°53.
- Michèle GUIGUE, L’instruction en famille / Une liberté qui dérange – FW N°56 .
- Philippe VAL, Malaise dans l’inculture – FW N°56.
- Nicolas OLIVERI, Quel avenir pour les MOOC ? – FW N°59
- Abdou DIOUF, La fin de l’école obligatoire – FW N°59.
PN